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19.05.2025 | Katherina

Une nouvelle étude de l’Université de Bâle montre que les Suissesses et les Suisses sont prêts à payer plus cher pour des produits laitiers fabriqués dans le respect des animaux. D’après les résultats de ce sondage en ligne, mené auprès de 1 000 personnes, la population accorde plus d’importance à la protection des animaux qu’à la durabilité.1 Partant de ce constat, on peut se demander dans quelle mesure les exploitations bio permettent d’offrir de meilleures conditions de vie aux animaux.

Consommation de produits laitiers bio en Suisse 

Ces dernières années, la part de bio dans la production laitière suisse totale a augmenté de manière continue, passant de 6,21 % en 2013 à 8,22 % en 2023.2 Au cours des cinq dernières années, on a toutefois pu observer un déplacement des parts de chiffre d’affaires, les catégories « lait de consommation » et « yaourt » ayant notamment enregistré un recul des ventes. Cette baisse du chiffre d’affaires, positive d’un point de vue végane, se manifeste également dans le secteur des produits laitiers conventionnels et s’explique peut-être par le choix varié d’alternatives végétales. Alors que la consommation de lait a diminué, celle de fromage bio a toutefois légèrement augmenté. De manière générale, les produits laitiers bio sont restés populaires en 2023 (les chiffres pour 2024 ne sont pas encore disponibles), malgré une situation économique tendue.

Production laitière bio

La production de lait chez les vaches est directement liée à la naissance d’un veau. En effet, comme tous les mammifères (y compris les humains), les vaches ne produisent du lait maternel que pour nourrir leur petit. Pour garantir une production laitière constante et élevée, les vaches doivent mettre bas environ une fois par an. La gestation des vaches dure environ neuf mois (280 jours). Après le vêlage, elles entrent dans la phase dite de lactation, au cours de laquelle elles produisent du lait. Les vaches laitières sont alors traites de manière industrielle pendant environ 10 mois. Pour que la production de lait reste constante, les vaches sont inséminées ou saillies artificiellement pendant la période de lactation (en général après deux ou trois mois). Elles donnent ensuite naissance à un autre veau, et la phase de lactation suivante peut elle aussi être mise à profit.

Selon le cahier des charges de Bio Suisse, une vache laitière doit disposer d’au moins 6 m² d’espace dans son étable – ce qui, animal mesurant jusqu’à 2,0 m de long, reste limité, mais représente tout de même plus du double de l’espace disponible dans l’élevage conventionnel en stabulation entravée (2,0 à 2,2 m²) ou en stabulation libre (2,8 m²). La taille du territoire des bovins sauvages (comme les bantengs, les gaurs ou les aurochs) peut atteindre 20 à 100 km², voire plus selon l’espèce, le lieu et la disponibilité des ressources. Ces animaux vivent généralement en troupeaux de 10 à 30 individus. À l’inverse des poules, le nombre de vaches laitières bio par unité d’élevage ne fait l’objet d’aucune limite maximale spécifique. Le nombre de vaches laitières bio dépend de la surface réglementaire à disposition en fonction de la taille de l’exploitation et de ses moyens financiers. Il n’existe pas de données précises sur le nombre moyen de vaches laitières dans les fermes bio. Avec une moyenne de 56 vaches par exploitation, c’est le canton de Genève qui regroupe les plus grandes exploitations laitières.3 Par rapport à ses congénères sauvages, la vache laitière est détenue dans des conditions éloignées de son mode de vie originel, qui ne répondent donc pas aux besoins de son espèce. Et ce, non seulement dans l’élevage conventionnel, mais aussi dans l’élevage bio. 

Pâturage 

Alors que dans les fermes conventionnelles, les vaches laitières peuvent théoriquement être gardées à l’étable toute l’année, le pâturage est obligatoire dans les exploitations bio. Malgré cela, 20 % des vaches bio présentent des signes de paralysie et environ un tiers est touché par des inflammations de la mamelle (mammites) – des chiffres similaires à ceux des exploitations conventionnelles.4

Selon le cahier des charges de Bio Suisse, les vaches laitières doivent être autorisées à pâturer au moins quatre heures par jour, au moins 26 jours par mois, selon la saison et la météo. En d’autres termes, les animaux n’ont pas accès au pâturage en cas de conditions météorologiques extrêmes (fortes pluies, froid, neige ou chaleur). Les sols boueux ou gelés peuvent également justifier des exceptions. Pendant les mois d’hiver, lorsque la végétation entre en dormance et que les conditions météorologiques rendent le pâturage impraticable, il est permis de garder les animaux exclusivement à l’étable ou dans des enclos. Les sorties en plein air doivent être documentées dans un journal de pâturage. Bio Suisse autorise également la stabulation entravée sous certaines conditions. En 2008, un article du journal Beobachter a révélé qu’un agriculteur bio des environs de Porrentruy détenait ses 55 vaches laitières essentiellement à l’étable.5 Ce cas continue aujourd’hui encore à alimenter les critiques sur le contrôle et l’application des normes bio, car l’infraction est passée inaperçue pendant longtemps et a soulevé des doutes sur l’efficacité des mécanismes de surveillance.

PENDANT L’HIVER, IL EST PERMIS DE GARDER LES VACHES ENFERMÉES À L’ÉTABLE OU DANS DES ENCLOS.

Le lait bio, un produit naturel ?

En général, le lait de vache bio est considéré comme un produit composite, ce qui ne permet pas de remonter jusqu’aux vaches individuelles dont il provient. Dans la production laitière industrielle (qui inclut également la production bio), le lait de très nombreuses vaches est rassemblé dans d’énormes cuves de collecte. Un camion de collecte de lait peut transporter entre 10 000 et 25 000 litres de lait. La production moyenne de lait des vaches élevées en bio est légèrement inférieure à celle des vaches élevées de manière conventionnelle. Avec une performance approximative de 22 litres par jour et par vache, un litre de lait bio peut donc, selon la chaîne d’approvisionnement, contenir du lait provenant de 450 à plusieurs milliers de vaches ! Le lait de vache contient un cocktail d’hormones, notamment des hormones de lactation et de gestation (car la plupart des vaches sont déjà gestantes au moment de la traite), ce qui est susceptible d’avoir une influence sur le corps humain. Les recherches à ce sujet ne font pas encore l’objet de conclusions définitives.

Veaux surnuméraires dans les exploitations bio

En 2023, le cheptel suisse de vaches laitières bio comptait environ 63 000 têtes.6 Comme mentionné précédemment, un vêlage par an est nécessaire pour obtenir une production laitière maximale. Autrement dit, un veau par vache laitière bio et par an, soit 63 000 bébés vaches. Pour simplifier, on suppose dans le cadre de ce texte que la répartition des sexes est équilibrée et que le même nombre de veaux mâles et femelles, à savoir 31 500, ont vu le jour en 2023 dans les exploitations bio. Alors qu’un quart des femelles sont destinées à rejoindre la prochaine génération de vaches laitières bio, on considère généralement que les 55 125 veaux restants [23 625 (¾ des femelles) + 31 500 (mâles)] serviront à la production de viande indigène. Mais est-ce vrai ?

« Je ne mange pas de bébés animaux. »

La consommation de viande de veau (bio) n’est pas très populaire en Suisse et les quantités de veaux abattus en bio sont en constante diminution.7 Il n’existe malheureusement pas de chiffres concernant la consommation de viande de veau bio. De manière générale, la consommation de viande dans notre pays est très sélective. Alors que la consommation de parties du corps comme les cuisses ou la poitrine de poulet fait presque l’objet d’un consensus social, la consommation d’abats, par exemple, est souvent considérée comme dégoûtante. Il en va de même pour le gigot d’agneau ou le cochon de lait : même les personnes non végétariennes trouvent de plus en plus immoral de manger de la viande de bébés animaux et refusent donc de le faire, ce qui se traduit également par une faible consommation de viande de veau. 

Les veaux bio ne représentent qu’environ 1,1 % des 190 367 veaux abattus en Suisse en 2023.8 La viande de veau occupe la première place dans la statistique sur l’évolution des parts suisses de l’offre totale, publiée dans le rapport annuel 2023 (« Le marché de la viande ») de Proviande. Compte tenu de la petite taille et du poids relativement faible de ces animaux, le rendement en viande par tête de bétail est plutôt faible. Malgré cela, le taux d’auto-approvisionnement en viande de veau était d’environ 97,6 % la même année, ce qui signifie que la majeure partie de la viande de veau consommée était issue de la production indigène.9 Selon le « Miroir statistique du marché de la viande bio » de Bioactualités, seuls 2107 veaux élevés en bio ont été abattus en 2023 (sans compter la vente directe).10 Ce chiffre se base sur les données de Bio Suisse et englobe tous les abattages recensés dans le commerce. Mais attendez un peu... Revenons aux 55 125 veaux surnuméraires dans les exploitations bio : où sont passés les 53018 animaux restants ?

Le problème des veaux : une triste réalité

Une partie des veaux surnuméraires des fermes bio sont vendus à des exploitations conventionnelles. Pourquoi ? Comme le montrent les chiffres, la demande de viande de veau bio n’est pas assez importante et cette viande peine donc à se vendre. De ce fait, certains animaux finissent par être engraissés (ou non) et abattus dans des exploitations conventionnelles, ce qui signifie qu’ils perdent leur certification bio. Dans de nombreux cas, notamment pour les races de vaches laitières à faible rendement en viande (p. ex. Holstein-Friesian), les veaux mâles n’ont qu’une très faible valeur économique. Par conséquent, ils sont soit abattus plus tôt que la moyenne, soit vendus directement à l’étranger. Un coup d’oeil sur le taux d’auto-approvisionnement de nos voisins révèle que la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Autriche parviennent également à couvrir leurs besoins en viande de veau en grande partie grâce à leur production indigène. Cela laisse donc supposer que les nombreux veaux excédentaires suisses doivent parcourir de longues distances pour arriver à un endroit où ils pourront être « utilisés ». Il est probable qu’ils soient transportés vers des pays qui connaissent soit une pénurie de viande (de veau), soit même une pénurie de denrées alimentaires en général.11 Que les animaux soient transportés à travers l’Europe ou, dans un deuxième temps, outremer jusqu’en Afrique : dès qu’un veau quitte la Suisse, les directives bio suisses cessent de s’appliquer et les prétendues « meilleures conditions de vie » dont l’animal bénéficiait jusqu’alors prennent définitivement fin.

DÈS QU’UN VEAU BIO QUITTE LA SUISSE, LES DIRECTIVES BIO SUISSES CESSENT DE S’APPLIQUER ET LES « MEILLEURES CONDITIONS DE VIE » DONT IL BÉNÉFICIAIT PRENNENT FIN.

Conclusion

Quiconque pense contribuer au bien-être des animaux en consommant du lait (ou des produits laitiers) bio doit bien admettre, en y regardant de plus près, que ce n’est pas le cas. Le lait bio est lui aussi un produit de masse industrialisé, dont la production repose sur des animaux traités davantage comme des machines que comme des êtres sensibles. La consommation de lait bio génère chaque année plusieurs milliers de veaux surnuméraires qui, d’un point de vue économique, ne présentent aucun intérêt sur le marché alimentaire suisse en raison de leur statut bio. L’idée selon laquelle la majeure partie des veaux surnuméraires issus de l’industrie laitière finissent dans la production de viande indigène relève du mythe. Il est impossible pour le client final de savoir ce qu’il advient vraiment de tous ces veaux surnuméraires. Il est cependant très probable que les animaux soient transportés au-delà des frontières nationales pour mourir dans de terribles souffrances, soit en cours de route, soit dans le pays d’arrivée – et le fait que leurs mères et leurs congénères bénéficient de plus d’espace, de sorties en plein air ou d’une meilleure qualité de fourrage dans l’industrie laitière bio n’y change rien.

  1. Fischer, O. (2025, 29. Januar). Für das Wohl der Kühe klingeln die Kassen. Universität Basel. https://www.unibas.ch/de/Aktuell/News/Uni-Research/Wohl-der-Kuehe-klingeln-die-Kassen.html
  2. Milchproduktion. (o. D.). Agrarbericht 2024. www.agrarbericht.ch/fr/production/production-animale/production-laitiere
  3. Statista. (2025a). Milchkühe pro Betrieb in der Schweiz nach Kanton 2023. https://de.statista.com/statistik/daten/studie/1411491/umfrage/milchkuehe-pro-betrieb-in-der-schweiz-nachkanton-2023/
  4. Bio-Milch von Bio-Kuh, oder: Was die Werbung nicht alles verbirgt. (2023, 6. Juli). Tier Im Fokus (TIF). https://tierimfokus.ch/nutztierhaltung/bio-milch/
  5. Bei der Knospe ist was faul. (2008, 29. März). Beobachter. https://www.beobachter.ch/gesellschaft/bio-label-bei-der-knospe-ist-was-faul
  6. BfS, TSM, Nielsen.
  7. Proviande. (2020). Der Fleischmarkt im Überblick. www.proviande.ch/sites/proviande/files/2020-05/DerFleischmarktimÜberbli…
  8. Statista. (2025b). Milchkühe pro Betrieb in der Schweiz nach Kanton 2023. https://de.statista.com/statistik/daten/studie/1411491/umfrage/milchkuehe-pro-betrieb-in-der-schweiz-nachkanton-2023/
  9. Statista. (2025c). Pro-Kopf-Konsum von Rind- und Kalbfleisch in der Schweiz bis 2024. https://de.statista.com/statistik/daten/studie/289150/umfrage/pro-kopf-konsum-von-rind-und-kalbfleisch-in-der-schweiz/
  10. Müller, L. & Schweizer, K. (2023). MARKTSPIEGEL BIO-FLEISCH 2023. https://www.bioaktuell.ch/fileadmin/documents/ba/Markt/Fleisch/24_05_31_Marktspiegel_2023_Fleisch_DE.pdf
  11. Internationale Gesellschaft für Nutztierhaltung. (2019). Kälberaufzucht – Aspekte verschiedener Nutzungsformen. www.ign-nutztierhaltung.ch/sites/default/files/PDF/IGN_FOKUS_19_Kaelber…
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