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12.10.2022 | Amandine

La Suisse a la réputation d'avoir la loi sur la protection des animaux la plus stricte du monde. Mais comment définir le degré de sévérité d'une loi sur la protection des animaux ? Comment le mesurer ? Dans les faits, il s'avère que la Suisse ne se positionne pas si bien que cela en comparaison avec les autres pays : on constate de grosses lacunes dans la mise en œuvre et le point de vue des animaux est trop souvent négligé.

La Suisse est réputée pour la sévérité de sa loi sur la protection des animaux. Pourtant, l'application des dispositions correspondantes et les contrôles qu'elles impliquent sont extrêmement lacunaires.

 

Pas de quoi se vanter en comparaison internationale

La Suisse est souvent donnée en exemple car, soi-disant, les animaux s'y porteraient mieux que dans d'autres pays en raison d'un cadre législatif plus strict. Ainsi met-on en avant le fait que les animaux se voient octroyer des surfaces plus grandes. Or, comme le révèle une étude réalisée en 2013 pour le compte de l'OFAG, cette comparaison n'est pas si simple à établir. Les auteurs parviennent en effet aux conclusions suivantes : « Le principal résultat de l'étude est qu'une évaluation comparative internationale de la protection agro-environnementale et de la protection des animaux, mise en œuvre comprise, n'est possible que dans une mesure limitée, en raison de la multiplicité et de la complexité des prescriptions, du grand nombre de systèmes d'application et du manque de données sur l'application et le contrôle. Étant donné le manque de données susceptibles d'être comparées, il est également difficile de mettre en évidence des écarts dans la qualité agro-environnementale ou dans le bien-être des animaux de rente » (p. 84) [traduction libre]. En outre, la loi suisse sur la protection des animaux est moins progressiste que celle d'autres pays sur certains aspects essentiels, comme l'absence de protection de la vie. En Allemagne, par exemple, il ne serait pas permis de faire euthanasier son chat simplement parce qu'on ne veut plus payer les frais de vétérinaire.

Le point de vue des animaux est-il pris en compte ?

N'oublions pas que la loi sur la protection des animaux et l'ordonnance y relative réglementent l'utilisation que nous faisons des animaux. Dès lors, qu'elle soit stricte ou pas, il est problématique de parler d'une loi sur la protection des animaux – l'idée étant en premier lieu d'utiliser ces derniers pour notre propre bénéfice. C'est sur cette base que l'on détermine ce qu'il est justifiable de faire subir aux animaux, compte tenu des avancées des recherches sur le comportement animal et des aspects moraux. L'étude citée plus haut constate entre autres que, du point de vue du bien-être animal, la loi sur la protection des animaux ne définit pas ce qui est conforme aux besoins des animaux, mais ce que l'animal est susceptible de supporter (p. 83). En d'autres termes, la perspective de l'animal, le principal concerné, est finalement subordonnée à la rentabilité. C'est ce qui explique que des pratiques telles que l'élevage de porcs sans accès à un espace extérieur, la coupe de la queue des agneaux et la mise à mort des poussins mâles dès leur éclosion, soient autorisées. Le fait que ces pratiques soient légalement admises ne signifie pas pour autant qu'elles soient respectueuses de l'espèce en question et des animaux en général.

Application lacunaire et système de contrôle laxiste

La situation devient même contradictoire lorsqu'on s'attarde sur la mise en œuvre. Dans ce domaine, même si l'on maintient que la Suisse dispose, sur le papier, d'une loi stricte sur la protection des animaux, celle-ci ne vaut rien si l'application est laxiste. En fin de compte, une loi ne peut être bonne que dans la mesure où elle est mise en œuvre. Les causes de cette application lacunaire sont de différentes natures. Le problème réside en premier lieu dans le fait que les délits ne sont pas découverts et que les autorités compétentes ne sont donc pas informées. Cela dit, même lorsque les autorités ont connaissance des faits, les cas signalés sont souvent classés sans suite. Comme l'écrit la fondation Tier im Recht (TIR) dans son article Gravierende Mängel bei der Umsetzung des Tierschutzrechts (Graves lacunes dans la mise en œuvre de la législation sur la protection des animaux, article en allemand) : « Les autorités compétentes manquent souvent non seulement de personnel et de temps, mais aussi de connaissances spécialisées dans le droit sur la protection des animaux. Parfois, elles ne s'intéressent tout simplement pas assez au sujet » [traduction libre].

De plus, les contrôles prescrits par la loi eux-mêmes ne sont pas effectués correctement. Comment ces contrôles sont-ils réglementés ? Les contrôles portent en principe sur plusieurs domaines d'application, comme par exemple les conditions d'élevage et d'abattage des animaux. La plupart des contrôles des conditions d'élevage de base sont annoncés, alors même qu'une partie d'entre eux devraient avoir lieu de manière inopinée. La fréquence des contrôles varie selon le type d'exploitation. Ainsi, une exploitation permanente avec production animale (de plus de trois têtes de gros bétail) doit être contrôlée tous les quatre ans, pour autant qu'elle n'ait été visée par aucun signalement dans l'intervalle. Les exploitations d'estivage, c'est-à-dire celles qui sont exploitées pendant la saison d'alpage, ne doivent même être contrôlées que tous les huit ans (voir OPCNP). En 2018 et en 2019, l'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) a fait contrôler 10 % des abattoirs, soit 67 abattoirs. Les résultats ont été publiés dans le rapport Protection des animaux et contrôle des viandes dans les abattoirs.  Il a été constaté que près de la moitié des grandes exploitations et la majorité des exploitations de faible capacité présentaient des lacunes dans les trois domaines suivants : hébergement pendant la nuit, étourdissement et saignée (p. 18). De plus, il a été constaté l'absence récurrente, surtout dans les infrastructures de faible capacité, de la documentation prescrite à titre d'autocontrôle lors de l'abattage. C'est principalement le contrôle de l'efficacité de l'étourdissement et de la saignée qui fait défaut. Dans les rares cas où la procédure fait l'objet d'une documentation, celle-ci est de mauvaise qualité (p. 19). Le fait que les entreprises soient contrôlées à des intervalles aussi longs, et de surcroît le plus souvent de manière annoncée, alors que de nombreux manquements sont régulièrement constatés, souligne à quel point le système de contrôle est lacunaire.

Max n'a rien à y gagner

Max, le petit cochon de Lucerne, n'a rien à gagner du fait que sa voisine allemande Susi ait encore moins de place que lui. Il n'en a que faire que les règlements le prescrivent au millimètre près. Si cet espace ne correspond pas à ses besoins, c'est trop peu pour lui. Que la loi sur la protection des animaux soit stricte ou non n'y changera rien. En outre, il se peut que l'étourdissement ne se passe pas comme prévu lors de sa mise à mort et que personne ne le vérifie. Si ces étapes ne font pas l'objet d'un contrôle minutieux, Max ne profitera pas de la prétendue sévérité des règles en matière de bien-être animal.

La Suisse dispose soi-disant d'une loi stricte sur la protection des animaux, mais celle-ci n'est ni rigoureusement appliquée, ni systématiquement contrôlée. Cela n'a aucun sens ! Signez dès maintenant notre pétition « Cessons les contradictions : halte au soutien politique accordé aux produits d'origine animale ! ».

 

Dans le cadre de notre campagne actuelle « La politique suisse et ses contradictions », nous avons déjà mis en lumière quatre contradictions :  « Santé vs promotion des aliments carnés »« Dignité des animaux vs rentabilité »« Climat vs produits animaux » et « Subventionnement vs coûts réels ». Par le biais de notre pétition « Cessons les contradictions : halte au soutien politique accordé aux produits d'origine animale ! », nous demandons à ce que la Suisse, en vue d'atteindre ses propres objectifs climatiques, cesse de promouvoir des modes d'alimentation qui nuisent au climat.

 

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