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21.12.2023 | Amandine

Les avis divergent énormément lorsqu'il est question d'alimentation saine. Vers quelle instance se tourner pour obtenir des informations fondées et non partisanes ? À quelles organisations se fier ?

Le corps médical

ArztNombre d'entre nous considèrent leur médecin comme leur interlocuteur·ice numéro un, non seulement en cas de maladie, mais aussi pour toute question générale en matière de santé. Malheu­reusement, les études de médecine ne com­portent habituellement pas de volet consacré à l'alimentation. Il n'est pas rare que les personnes qui exercent la médecine nourrissent de solides préjugés à l'égard des maladies en lien avec l'alimen­tation, ce d'autant plus que ces maladies, comme une pression trop élevée, les infarctus (du myo­­carde), le diabète de type 2 ou l'obésité, leur rapportent beaucoup. En 2022, près de 2,25 millions de person­nes ont ainsi été contraintes de prendre rendez-vous dans un cabinet médical pour se voir prescrire un traitement contre une maladie cardio­vasculaire (p. ex. taux de cholestérol ou pression trop élevés).1 Si l'ensemble de la population s'ali­men­tait saine­ment, les revenus des médecins et les consul­tations médicales diminueraient considé­rablement. Tel serait le cas en particulier pour les consultations en lien avec des maladies chroniques, puisqu'on peut, par définition, en stabiliser les symptômes par voie médicamenteuse sans pour autant les guérir. Une prémisse qui incite peu à rechercher la cause des maladies en question. Nos maladies font vivre les médecins. Il s'ensuit que les médecins n'ont affaire, du moins dans le cadre professionnel, aux person­nes véganes que lorsque celles-ci sont ma­lades, ce qui ne donne pas une image positive de l'alimen­tation végétale. De plus, les visites régulières (généralement deux fois par semaine) des représentant·e·s des entreprises pharmaceutiques dans leur cabinet et les for­ma­tions offertes par les firmes pharmaceutiques focalisent leur attention sur les méthodes de traite­ment médicamenteuses plutôt que sur l'identi­fication des causes. Le main­tien d'une bonne forme physique n'entre habitu­el­lement pas dans leur cahier des charges et encore moins lorsque la solution est à rechercher dans l'alimentation.

La nutrition est un domaine de recher­che complexe impli­quant de multiples facteurs qui ne prévoit la plupart du temps pas de considérer les différents éléments isolément. C'est pourquoi l'on a souvent recours à des statistiques. Or, le problème est que bon nombre d'acteurs du secteur de la santé ne sont pas formés dans l'analyse de ces sta­tis­ti­ques. Gerd Gigerenzer, directeur du Max-Planck-Ins­ti­tut für Bil­dungs­forschung à Berlin, a démontré dans plus­ieurs études que 70 à 80 % des médecins n'inter­prètent pas correctement les statistiques liées à la santé.2
Malgré cela, la réputation d'expertise en matière de santé dont jouit le corps médical est largement mise en avant, notamment par la presse. Or, plus un médecin gagne en notoriété, plus il aura de chances de se voir offrir des contrats lucratifs – qu'il accep­tera généralement – par des entreprises (phar­ma­ceutiques) pour faire la promotion d'un produit donné.3 Lorsque des médecins prennent position en public, ils n'évoquent que très rarement leurs intérêts financiers. Il fut un temps où la réputation du corps médical servait même à cautionner la publicité vantant le tabagisme.4

« Une alimentation non équilibrée augmente le risque de contracter une maladie non transmissible telle que le diabète de type 2 ou les affections cardio-vasculaires. Or, 50 milliards de francs, soit une grande part des coûts de la santé à charge de la société, leur sont imputables chaque année dans ce secteur. »
Université de St-Gall, « Swiss Nutrition Atlas », 12.12.2022

L'industrie pharmaceutique et le secteur de la santé

TablettenLes constats qui s'appliquent au corps médical valent par analogie pour le secteur de la santé dans son ensemble : en effet, ses acteurs, qui se parta­gent un marché pesant des milliards, n'ont aucun intérêt à ce que la société se porte bien. La vente de médi­caments soignant les symptômes des maladies liées au mode de vie comme ceux qui servent à baisser le taux de cholestérol ou la pression san­guine, par exemple, rapporte des sommes astro­nomiques. Les recettes de l'industrie pharma­ceu­tique sont directe­ment proportionnelles au nombre de malades. Il en va de même de l'utilisation des lits d'hôpital.
Dans une logique économique, il vaut mieux investir de l'argent dans la publicité autour d'un nouveau médicament contre une maladie dite de civilisation plutôt que de promouvoir un mode de vie plus sain offrant une meilleure santé à long terme. Ainsi, puis­qu'une société en bonne santé ne rapporte rien, une entreprise pharmaceutique aura davantage intérêt à financer la promotion d'un médicament même si celui-ci ne permet pas la guérison mais juste d'atté­nuer les symptômes. S'ajoute à cela que les phar­mas font souvent preuve de laxisme quant à la véracité des faits qu'elles relatent dans leur stratégie mar­ke­ting, mettant ainsi en danger la santé de nombreuses personnes. Les montants élevés d'amendes qu'elles sont régulièrement condamnées à payer pour leurs pratiques illégales sont par ailleurs révélateurs.5 En voici quelques exemples :

  • Merck/MSD : 5,8 mia. USD
  • GlaxoSmithKline : 3 mia. USD6
  • Pfizer : 2,3 mia. USD7
  • Abbott : 1,5 mia. USD
  • Eli Lilly : 1,4 mia. USD
  • Johnson & Johnson : 1,1 mia. USD
  • Merck/MSD : 670 mio. USD
  • Novartis: 590 mio. USD
  • AstraZeneca : 520 mio. USD8

Les faits reprochés relevaient notamment de l'es­croquerie, de l'imposture, de la corruption, de l'abus de pouvoir ou de la commercialisation de médi­ca­ments non autorisés.9 L'industrie suisse de la santé, c'est-à-dire le corps médical, les groupes d'intérêt, les hôpitaux et les universités, a touché 221 millions de francs de l'industrie pharmaceutique au titre de contrats de sponsoring.10 Et ce montant tend à augmenter. Grâce au prix élevé des médicaments, cette activité de lobbying dispose d'une source financière intarissable.

Un médicament cher est-il forcément efficace ?

Utilisée pour soigner les personnes souffrant de cancer, la chimiothérapie est l'un des traitements pharmacologiques les plus onéreux.11 Trois professeurs australiens ont étudié l'efficacité des chimiothérapies pour lutter contre différents types de cancer.12 Celle-ci s'est avérée efficace sur seule­ment 2,1 à 2,3 % des 227 935 patient·e·s ayant parti­cipé à l'étude. Dans 98 % des cas, cette méthode thérapeutique n'a donc servi à rien. Comment justifier le prix exorbitant d'un médicament au taux de réussite aussi bas, sachant que les caisses-maladies suisses remboursent chaque année des médicaments à hauteur de quelque 8 milliards de francs dont près d'un milliard rien que pour le traitement du cancer.13 Ce d'autant plus qu'il a été prouvé que 30 à 50 % des cas de cancer sont impu­tables au mode de vie et auraient donc pu être évités.14 Les facteurs permettant de prévenir le cancer ont également été identifiés : il s'agit avant tout de l'alimentation et de l'activité physique.15 Or, ces deux domaines ne sont de loin pas si lucratifs. L'industrie pharmaceutique a donc intérêt à ce que le traitement du cancer continue de repo­ser exclusivement sur des médicaments. C'est la raison pour laquelle elle a versé 22 millions de francs de fonds de soutien à la European Society for Medical Oncology (Société européenne d'oncologie médicale) en 2022. Les oncologues, spécialistes du traitement du cancer, peuvent par ailleurs compter sur de généreux financements.16
D'après une récente étude de l'Université de Lucerne, près de 320 000 hospitalisations par année sont dues aux effets secondaires de médicaments et 5700 décès sont à mettre sur le compte de la prise de médicaments.17 Ces décès ne font toutefois l'objet d'aucune statistique fédérale. À titre de comparaison, l'OFSP affirmait en 2020 que les hospitalisations pour des infections avérées au coronavirus paralysaient le système de santé.18 Les traitements médicamenteux coûtent la vie à presque autant de personnes que le COVID-19 en 2021, et ce chaque année.

Les organisations d'entraide

MenschengruppeLes personnes qui souffrent d'une même maladie ont tout intérêt à se regrouper. Toutefois, les organisations d'entraide constituent un groupe cible idéal pour les entreprises qui tirent leur chiffre d'affaires des maladies en question. Elles n'ont en effet aucun intérêt à ce que l'on en combatte les causes et mettent au contraire tout en œuvre pour que les discussions tournent autour de la meilleure médication. En voici quelques exemples : 
La Fondation suisse de l'obésité (FOSO) compte trois entreprises pharmaceutiques parmi ses sponsors, à savoir Novo Nordisk, Ethicon (filiale de Johnson & Johnson) et Medtronic.19 Avec son traitement par injection contre l'obésité, Novo Nordisk a engrengé un chiffre d'affaires de 8 milliards de francs rien qu'en 2022.20 Les deux autres firmes pharma­ceu­­tiques s'enrichissent aussi largement grâce à l'obé­sité.
Novo Nordisk et la société Eli Lilly désignent même l'Alliance Obésité Suisse comme leur orga­ni­sation partenaire.21 L'obésité s'avère être un marché très lucratif pour tous ses acteurs. Les organisations d'entraide dédiées aux maladies dites de civilisation n'échappent pas à la règle. Prenons le cas de la  Fondation Suisse du Diabète. Dans sa liste de spon­sors, on trouve par exemple Novo Nordisk, Eli Lilly, Sanofis, Abbott, et Medtronic,22 des entreprises qui font toutes recette avec le diabète. Il en va de même de la Fondation Suisse de Cardiologie, active contre les maladies cardiovasculaires et la pression sanguine élevée, autrement dit des affections dans lesquelles l'alimentation joue un rôle central. Abbott, Amgen, AstraZeneca, Bayer, Pfizer et Novartis fi­gurent parmi les organisations partenaires.23 Les fonds de sponsoring pharmaceutique versés à la Fondation Suisse de Cardiologie sont exposés sur la plateforme Pharmagelder.
Aucun des sponsors et des partenaires n'est actif dans la promotion des mesures de prévention ou l'élimination des causes de la maladie, puisque cela reviendrait, pour les sponsors, à couper la branche sur laquelle ils sont confortablement assis. Le style de vie sain n'est abordé nulle part.

Les caisses-maladie

On s'attendrait à ce que les caisses-maladie s'en­gagent en faveur de la bonne santé de la population afin d'avoir à débourser un minimum de fonds issus des primes pour financer les coûts de la santé de leurs assuré·e·s.
Le système politique tel qu'il est orga­nisé veut toutefois que même les caisses-maladie n'ont rien à gagner si elles font la pro­motion d'un mode de vie sain. En effet, une caisse-maladie qui parvient à améliorer la santé de ses assuré·e·s et à baisser leur consommation de médi­caments, par exemple en fournissant des informa­tions fondées sur la santé, est tenue de verser un montant de compensation aux caisses-maladie chez qui ce n'est pas le cas.24 À l'origine, cette compensation des risques devait servir à atténuer les disparités dans la répartition de l'âge et du sexe pour éviter que les caisses-maladie n'axent leur publicité que sur les « bons risques », comme le seg­ment des jeunes hom­mes. Or, en 2017, le conseiller fédéral Alain Berset a ajouté les coûts des médi­ca­ments dans l'équation avant de remplacer ceux-ci par les groupes de coûts pharmaceutiques (PCG) en 2020. Ce faisant, il a tué dans l'œuf toute incitation pour les caisses-maladie à promouvoir la santé.25 Une caisse-maladie comp­tant, par exemple, un grand nombre d'assurés souf­frant d'un taux de cholestérol ou d'une pression san­guine élevés, perçoit de l'argent d'autres caisses ayant une moindre pro­portion d'as­surés victimes de cette pathologie. Par conséquent, les caisses-mala­dies met­tant en avant les bienfaits d'un mode de vie sain le font principalement pour améliorer leur image et moins pour réduire leurs propres coûts. Si elle n'a rien à y gagner, au moins ne se pénalise-t-elle pas elle-même en promouvant des habitudes de vie sai­nes. C'est grâce à cela que certaines caisses-maladies diffusent néanmoins des informations sensées sur la santé.

La sphère politique, l'OFSP et l'OSAV

Il serait logique que l'Office fédéral de la santé pub­lique (OFSP) soit en charge de l'équilibre ali­mentaire de la population.​​​​​ C'était le cas autrefois. À l'issue d'une restructuration, les questions liées à l'ali­men­tation humaine ont toutefois été transférées à l'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV). Cette réattribution des mandats donne désormais lieu à un conflit d'intérêt : les personnes chargées d'élaborer les recom­mandations ali­mentaires pour les humains sont en contact étroit avec les fabricants d'aliments d'origine animale. Depuis sa création, l'OSAV a toujours été dirigé par des vétérinaires.26 La division « Denrées alimentaires et nutrition » est, elle au moins, dirigée par un expert en nutrition en la personne de Michael Beer.

Politique de subventions

La Confédération dépense plus de 80 % des sub­ventions allouées à l'agriculture dans la promotion de la viande, du lait et des œufs. Il en découle un conflit d'intérêt évident puisqu'il serait illogique pour nos autorités fédérales, qui dépensent dix fois plus (40 millions de francs) pour la promotion des ventes et la publicité des produits d'origine animale que pour les aliments végétaux, de recommander à la population de diminuer leur consommation de produits d'origine animale.​​​​​​​27 Néanmoins, l'OSAV admet que la population suisse mange trois fois plus de viande que la quantité recommandée.​​​​​​​28
Ce n'est pas un hasard, si la viande, le lait et le sucre sont les aliments qui reçoivent le plus de subventions. Ces trois catégories de produits tirent profit de la puissance de leurs lobbys et non des bienfaits qu'ils apportent à la santé publique.

Parlement

Si l'on en croit l'OSAV, 80 % des coûts de la santé son imputables aux maladies favorisées par une alimentation inappropriée.​​​​​​​29 Depuis l'introduction de l'assurance maladie obligatoire, les coûts de la santé ne cessent de croître. Ils font d'ailleurs régu­liè­re­ment débat au Parlement. Malgré cela, dans les discussions politiques, les mauvais choix alimen­­taires n'ont jamais été considérés comme un levier d'action central pour réduire ces coûts. Il semble que le Parlement évite soigneusement d'abor­der le sujet de l'alimentation. La raison en est peut-être que manger plus sainement relève de la « responsabilité individuelle », un mot tabou en politi­que de la santé. Les politicien·ne·s considèrent la santé comme un élément provi­den­tiel sur lequel l'individu n'a aucune influence. Inutile donc, dans ce contexte, de mener des discussions sur les causes et les responsabilités. Le monde politique ne voit ainsi aucune contradiction à continuer de subventionner la production de tabac à hauteur de 16 millions de francs par an.30

Liens d'intérêt

Les liens étroits qui unissent l'OSAV aux intérêts de l'industrie de la viande s'illustrent de façon exemplaire en la personne de​​​​​​​ Regula Kennel : après avoir travaillé 17 ans au service de Proviande, l’interprofession suisse de la filière viande, comme respon­sable du département Communication marketing, elle a pris la direction de la division Communication de l'Office vétérinaire fédéral avant la création de l'OSAV. Après la réorganisation et la mise en place de l'OSAV, Regula Kennel a été nommée responsable de la division Communication et appelée à siéger au comité de direction. Depuis 2018, elle est de retour chez​​​​​​​ Proviande, en tant que responsable du développement d'entreprise. Durant sa première période chez Proviande, Regula Kennel a aussi siégé de nombreuses années à la Commission fédérale de la nutrition (CFN),31 la plus haute instance fédérale dédiée à la santé. Les membres de la CFN sont nom­més directement par le Conseil fédéral et con­seil­lent l'OSAV. Le slogan publicitaire dont elle a fait la promotion à cette période était d'ailleurs : « Viande Suisse, tout le reste n'est que garniture ». Elle n'a été contrainte de quitter la CFN qu'au moment où elle a été engagée par la Confédération.


La Société Suisse de Nutrition (SSN)SGE

La SSN emploie des scientifiques spécialisés dans la recherche et le conseil en nutrition, tous segments de population confondus. Selon leurs propres affir­ma­tions, ils disposent de connaissances appro­fon­dies dans le domaine de l'alimentation équilibrée et dans les thématiques apparentées comme l'ali­men­tation végétale. Si la SSN ne réalise pas d'études elle-même, elle fonde néanmoins son travail sur les conclusions de la recherche scientifique. Comme sti­pu­lé dans les statuts de la SSN, ses spécialistes s'en­ga­gent explicitement à « diffuser des infor­ma­tions pratiques sur la nutrition, se basant sur les re­com­mandations nutritionnelles suisses émises par la Con­fédération »32 et à proposer des services man­datés par l'OSAV. La tâche principale de la SSN est, selon sa propre formulation, de diffuser des infor­mations scientifiquement fondées, profession­nellement et politiquement indépendantes.
La SSN compte environ 3000 membres. La plupart d'entre eux sont des particuliers. Parmi les mem­bres donateurs, figurent les faîtières de l'industrie de la viande, du lait et du fromage comme Pro­viande, Swissmilk et Switzerland Cheese Marketing.​​​​​​​33 Dans son code de conduite, la SSN précise toute­fois formel­lement que ni les membres ni les man­dants n’ont d’influence sur les contenus rédactionnels de la SSN.

L’ASDDSVDE

L'Association suisse des diététicien·ne·s, qui se veut une association professionnelle indépendante, compte elle aussi sur le sponsoring des entreprises pharmaceutiques et des associations de lobby des filières viande et lait.​​​​​​​34 Les sponsors et les pro­moteurs officiels ont la possibilité d'adresser des informations aux membres­ par certains canaux, gra­tui­tement ou à prix réduit. Ces canaux sont éga­lement ou­verts à d'autres entreprises moyennant paie­ment. Heureusement, les choses évoluent dans ce domaine aussi puisque l'ASDD a, dans l'intervalle, mis en place un groupe de travail dédié aux modes alimentaires végétariens.

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS)

Si les petites associations dépendent des apports financiers d'entreprises privées ou d'organisations sectorielles, cela vaut également à des échelles bien plus grandes. L'OMS elle-même compte majo­ritairement sur le soutien financier provenant d'instances privées. Selon ses propres dires, près de 12 % des recettes que l'OMS a comptabilisées en été 2023 avaient été versées par la fondation Bill and Melinda Gates.​​​​​​​35 S'ajoutent à cela 8 % de « GAVI – Alliance du vaccin » cofondée par la fondation Bill and Melinda Gates.36 À titre de comparaison : le plus grand contributeur étatique de l'OMS sont les USA à hauteur de 15 %. La Suisse apporte une contribution modeste de 0,54 %. Le fait qu'un couple sans la moindre formation dans le domaine médical (et de la diététique) ait une telle influence sur l'Orga­nisation mondiale de la Santé est pour le moins inquiétant. La même inquiétude survient lorsque l'on trouve de grandes firmes pharmaceutiques comme Bayer, Merck & Co., Gilead Sciences Inc., Novo Nordisk Foundation, GlaxoSmithKline (GSK) et Novartis dans la liste des contributeur·ice·s (plus​​​​​​​ mo­destes). Même si ces entreprises ne comptent pas parmi les sponsors principaux, il n'en reste pas moins que leur contribution financière dépasse de loin celle, par exemple, de l'Autriche et d'autres pays. Le problème est que les contributions obligatoires des États membres ne constituent plus que 10 % des recettes de l'OMS.​​​​​​​37 Les 90 % restants peuvent être biffés à tout moment si l'OMS effectue des actions allant à l'encontre les intérêts des donateur·ice·s. La dépendance est donc considérable. Les consé­­quences que cela entraîne sont bien visi­bles. Il suffit pour s'en rendre compte, d'examiner la politique menée par l'OMS durant la pandémie de coronavirus. La fondation Bill and Melinda Gates et GAVI misant principalement sur la vaccination à l'échelle plané­taire (et sur la recherche génétique) comme mesure de prévention dans le domaine de la santé, l'OMS a suivi le mouvement en se consacrant presque exclu­sivement à cette stratégie de lutte. Les autres leviers d'action n'ont été évoqués que du bout des lèvres. Or, même l'OMS admet que d'autres points d'attaque auraient mérité que l'on s'y attarde. Pour s'en rendre compte, il suffit de lire la publication ci-contre mise en ligne par l'OMS sur les réseaux so­ciaux en janvier 2021.38 Gesundheitstipps der WHO  Malheureusement, l'OMS n'a pas approfondi davantage les thématiques liées à l'ali­mentation, au tabagisme, à la consommation d'al­cool et à l'activité physique par la suite. Aucune des quatre recom­mandations de l'OMS n'a d'ailleurs été relayée sur la page dédiée au COVID-19 du site de l'OFSP.39
Ces aspects ont été joyeusement ignorés, alors qu'une étude du British Medical Journal prouve que les personnes ayant une alimentation végétale ont presque trois fois moins de risques (73 %) de souffrir de conséquences graves en cas d'infection par le COVID-19.​​​​​​​40 Une autre recherche a démontré qu'une activité physique suffisante diminue de plus d'un tiers le risque de mourir de complications dues au COVID-19.​​​​​​​41 Or, les finances étant insuffi­san­tes pour diffuser largement ces conclusions d'étu­des, la communication s'est limitée à ce seul post sur les réseaux sociaux. Pour couronner le tout, le monde politique a préconisé des mesures se tra­duisant par une augmentation de la consom­ma­tion d'alcool due au manque de contrôle social en pério­de d'isolation et par une diminution de l'exercice physique.42

La science et la recherche

Chaque année, plus d'un demi-million d'études sont publiées rien qu'en médecine.​​​​​​​43 Un grand nombre d'entre elles apportent une valeur ajoutée, mais ce nombre tend à diminuer. Traditionnellement, les universités étaient financées principalement par des deniers publics. De nos jours, les fonds issus de l'économie privée constituent l'essentiel de leur financement, imposant dans la foulée leur propre point de vue. Revenons-en par exemple à la fon­dation Bill and Melinda Gates déjà évoquée. Elle a financé plus de 20 000 travaux de recherche et reversé des milliards de dollars à des universités.44

Reproductibilité

La recherche repose sur le principe de la repro­ductibilité. Cela signifie, que les résultats d'une étude doivent avoir été obtenus sans aucune influence et doivent, de ce fait, pouvoir être repro­duits par une autre personne quelle qu'elle soit à n'importe quel moment. La revue spécialisée Nature a interrogé 1576 scientifiques à ce sujet : plus de 70 % d'entre eux ont tenté de reproduire en vain une expérience ayant fait l'objet d'une publication dans une revue spécialisée. Plus de la moitié des personnes sondées a même tenté en vain de repro­duire une de leurs propres expériences.​​​​​​​45 La situ­ation est encore plus critique en médecine, notamment en oncologie. Seules 11 % des conclusions d'études publiées peuvent être reproduites.​​​​​​​46 Cette circon­stan­ce pourrait s'expli­quer par le fait que, dans le domaine de la santé, la recherche a souvent recours à des méthodes considérées comme non scientifi­ques, telles que l'expé­rimentation animale. Le bilan des inter­ven­tions effectuées dans le secteur de la san­té n'a rien de glorieux non plus : 94 % des inter­ventions pratiquées n'apportent aucune utilité scien­ti­fiquement démontrable.47

Revues médicales spécialisées

Qu'en disent les maisons d'édition des célèbres revues médicales spécialisées ? Celles-ci constituent en effet le fondement de la médecine telle qu'elle est pratiquée actuellement.​​​​​​​New England Journal of MedicineMarcia Angell du New England Journal of Medicine (NEJM) dresse le bilan suivant : « Il n'est tout simplement plus possible de s'en remettre aux conclusions de la plupart des études cliniques publiées ni au jugement des méde­cins de confiance ou des lignes directrices médicales de référence. Ce constat auquel je suis parvenue progressivement et à contre-cœur au fil de mes vingt ans d'activité en tant qu'éditrice du New England Journal of Medicine ne me réjouit pas. »48
Richard Horton, l'un des éditeurs de la revue Lancet, une autre publication de référence, ​​​​​​​ The Lancetécrivait en avril 2015 déjà : qu'il « est facile de récuser la science, puis­qu'une partie non négligeable, peut-être la moitié, des énoncés formulés dans la littérature scientifique était tout bonnement fausse. Sous le joug d'études à l'échantillonnage trop restreint et aux effets minimes, des analyses exploratives non conformes et des conflits d'intérêts patents, le tout accompagné de l'obsession de suivre des tendances douteuses, la science s'est tournée vers le côté obscur. »​​​​​​​49 Rien n'a vraiment changé depuis.

Prenons l'exemple de l'œuf 
Aux États-Unis, le Comité des Médecins pour une Médecine Responsable (PCRM) a examiné la façon dont les producteur·ice·s d'œufs ont aiguillé les conclusions d'études menées au sujet de l'œuf. L'examen a porté sur des études réalisées entre 1950 et 2019. Résultat : jusqu'en 1970, les industriels n'ont exercé aucune influence sur les études. Entre 2010 et 2019, près de 60 % des études étaient (co)financées par l'industrie. Malgré cela, 85 % des études arrivaient à la conclusion que la consommation d'œufs est néfaste pour la santé. 49 % des études soutenues par l'industrie tendent toutefois à prouver que manger des œufs ne comporte aucun risque pour la santé voire apporte des avantages.53

Un savoir lacunaire : qu'en est-il des études non publiées ?

Les études publiées ne représentent qu'une part du problème : à peine une étude sur deux pour laquelle un résumé a été rédigé fera l'objet d'une publication in extenso.​​​​​​​50 Serait-ce le signe que seules les études menant aux résultats souhaités (par le bailleur de fonds) sont intégralement publiées et que certains résumés ne reflètent en réalité pas les conclusions de l'étude en question ? S'ajoutent à cela toutes les études certes menées, mais dont l'opinion publique n'aura jamais vent. Une telle sélectivité dans la publi­cation des études s'apparente à une mise en danger de la population.​​​​​​​51 Quelles conditions doivent-elles être réunies pour qu'une étude soit publiée ? Les ​​​​​​​études portant sur une vaste cohorte représentative nécessitant beaucoup d'argent, elles sont souvent réalisées grâce à l'apport financier de sponsors, par exemple des entreprises pharmaceutiques. Or, les sponsors lient leur participation financière à cer­taines conditions. Ils exigent par exemple la pro­priété exclusive des données brutes récoltées dans le cad­re de l'étude. Des contrats sont ainsi conclus avec les universités impliquées. Les scientifiques ne peu­vent dès lors travailler qu'avec les données que l'entreprise (pharmaceutique) a bien voulu leur mettre à disposition. Les données allant à l'encontre des intérêts des sponsors sont détruites ou rendues accessibles que partiellement.52

Que croire ?

En définitive, chacun est responsable de sa propre santé. Cette responsabilité ne peut être déléguée à personne d'autre.
En résumé, on peut partir du prin­cipe que des organisations ou des cercles de per­sonnes qui cherchent à augmenter les ventes d'un certain produit (aliment ou médicament) dé­fen­dent des intérêts propres. Au contraire, recom­mander une réduction de la consommation ne sert généra­lement aucun intérêt économique, si ce n'est de préparer le marché pour un produit de rem­placement vendu à un prix plus élevé. L'intolérance au lactose en est un bel exemple. En effet, ce sujet a fait la une des journaux au moment de la mise sur le marché du lait délactosé.
Dans le domaine alimen­taire, on peut donc se fier à l'authenticité et au degré de transformation d'un produit : les produits à base de farine blanche ou de sucre blanc ultraraffiné sont récents sur le marché et devraient être consommés avec modération et non pas considérés comme des aliments de base. Les produits animaux et ultra­trans­formés n'ont jamais connu un engouement tel qu'au­jourd'hui. Notre corps n'a pas été en mesure de s'a­dap­­ter aussi rapidement à ces aliments transformés. Dans le même ordre d'idée, il est contre-nature de consom­mer le lait destiné à une autre espèce. Les recom­mandations nutritionnelles qui vont à l'en­contre d'une alimentation naturelle méritent d'être remises en question.
Mieux vaut ne pas se fier aveuglément à une insti­tution ou à une personne. Les spécialistes doi­vent pouvoir avancer les preuves de leurs dires. Cela dit, il serait contre-productif de réfuter en bloc les affirmations émanant d'une personne ou d'une organisation. Toutes les organisations em­ploient des personnes qui font preuve de conscience pro­fes­sion­nelle et se fondent, ou du moins essaient de se fonder, uniquement sur des conclusions scien­ti­fiquement valables ou sur leur longue expérience. Dans l'idéal, il convient de se renseigner sur les méthodes de manipulation des relevés statistiques les plus fréquentes afin de les identifier par ses propres moyens. De plus, il importe de promouvoir les méthodes de recherche les plus susceptibles de donner des résultats sérieux et vérifiables. À ce titre, on peut, par exemple, favoriser l'acceptation des alternatives existantes à l'expérimentation animale en signant la pétition contre l'expérimentation ani­male « Assurer la place scientifique suisse ».54 Les conclusions d'études fondées sur l'expérimentation animale devraient particulière­ment nous alerter.

Renato Pichler

​​​​​​​Traduction : Evelyne Campana

 

Veg-Info-Coverbild
Cet article est issu du magazine Veg-Info 2023/4.

 

 

  1. Helsana, Rapport sur les médicaments 2022
  2. Medscape, Vorsicht beim relativen Risiko! Auch Ärzte verstehen die Statistiken hinter Screening-Programmen oft nicht, 16.10.2015
  3. Martina Frei dans Infosperber : Bekannte TV-Doktoren nehmen auch Geld von Firmen, 11.09.23
  4. Stanford University, Collection: More Doctors Smoke Camels
  5. Peter C. Gøtzsche, Tödliche Medizin und organisierte Kriminalität. Wie die Pharmaindustrie das Gesundheitswesen korrumpiert, éditions riva, Munich, 2014. p 60-69 et 249. Et : Süddeutsche Zeitung, Die Pharmaindustrie ist schlimmer als die Mafia, 06.02.2015
  6. Bloomberg, Glaxo to Pay $3 Billion to Settle U.S. Sales, Avandia Cases, 03.11.11
  7. New York Times, Pfizer Pays $2.3 Billion to Settle Marketing Case, 02.09.09
  8. Novartis und Alcon zahlen 345 Mio USD Busse wegen Korruptionsvorwürfen (Alcon était une filiale de Novartis), 25.06.20. Et : Tages-Anzeiger, Wegen Korruptionsvorwürfen: Millionen-Busse für Novartis und Alcon in den USA, 25.06.20
    2. Paiement de 245 mio. USD dans une procédure antitrust : Novartis legt US-Kartellverfahren mit Millionenzahlung bei, 29.12.22
  9. Patientensicht, Pharmaindustrie: Fehlverhalten und Justizfälle et AGSTG.
  10. Handelszeitung, Millionen von Pharmakonzernen – Diese Ärzte und Spitäler sahnen am meisten ab, 14.09.23
  11. SRF, Studie - Warum Krebsmedikamente so teuer sind, 30.8.23
  12. Clinical Oncology, The contribution of cytotoxic chemotherapy to 5-year survival in adult malignancies, décembre 2004, Vol. 16, Issue 8, p. 549-560
  13. Helsana, Rapport sur les médicaments 2022
  14. Cancer, Adherence to the 2018 World Cancer Research Fund/American Institute for Cancer Research Cancer Prevention Recommendations and cancer risk: A systematic review and meta-analysis, 13.06.23
  15. World Cancer Research Fund International, Cancer Prevention Recommendations
  16. Une liste des fonds versés se trouve ici : www.pharmagelder.ch
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  45. Nature, Vol. 533, Issue 7604, mai 2016, Reality check on reproducibility
  46. Nature, Vol. 483, Issue 7391, mars 2012m Raise standards for preclinical cancer research
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  50. Full publication of results initially presented in abstracts, Cochrane Database Syst Rev. 2007 Apr 18;(2):MR000005
  51. SRF, Pestizide – so beeinflussen Chemiekonzerne Forschung und Politik, 28.06.23
  52. Peter C. Gøtzsche, Tödliche Medizin und organisierte Kriminalität – Wie die Pharmaindustrie das Gesundheitswesen korrumpiert, éditions riva, 5e édition, 2022
  53. PCRM, Health Concerns With Eggs, basé sur l'étude : Barnard ND, Long MB, Ferguson JM, Flores R, Kahleova H., Industry funding and cholesterol research: A systematic review, American Journal of Lifestyle Medicine. Publié en ligne le 11.12.19
  54. Pétition : Assurer la place scientifique suisse
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