Tout le monde, ou presque, a conscience du fait que d‘innombrables êtres vivants souffrent au nom de la mode dans l‘industrie de la fourrure, du cuir, de la laine, de la soie ou du duvet. Ce que l‘on sait moins, c‘est qu‘il en va de même en joaillerie avec la nacre.
La nacre est définie comme la substance irisée qui tapisse intérieurement la coquille de certains mollusques. Sa structure unique en son genre est composée de plusieurs couches minérales qui lui donnent sa brillance. Les « vraies perles » se forment lorsqu‘un corps étranger pénètre dans un mollusque et que celui-ci, pour s‘en protéger, l‘isole en l‘entourant d‘une couche de nacre.
De par le monde, il existe plus de 10 000 espèces de mollusques dont un nombre minime a la capacité de produire de la nacre et, partant, des perles. Seul un nombre très restreint de mollusques disposant de cette caractéristique remplit le cahier des charges de l‘industrie de la mode. En effet, la qualité des perles se mesure à l‘aune d‘un catalogue de critères, parmi lesquels la taille, la forme et la symétrie, la qualité de la surface, la brillance (le lustre), la couleur, la provenance et le type, sauvage ou de culture. Tous ces critères entrent en ligne de compte au moment de l‘évaluation. Au final, c‘est une combinaison de tous ces facteurs qui déterminera la valeur financière d‘une perle. Mais qu’en estil de l‘éthique ?
Les mollusques font partie du règne animal
Les mollusques sont des animaux invertébrés, dont font partie également les escargots et les pieuvres. La plupart du temps sédentaires, ils vivent aussi bien en eaux douces que salées. Ils jouent un rôle essentiel dans l‘écologie de leur habitat naturel, puisqu‘ils extraient les polluants tels que les substances chimiques de l‘eau par filtrage. Pour s‘épanouir, ces êtres sensibles ont besoin d‘oxygène, d‘une température appropriée et d‘une eau propre. L‘acidification des mers due aux émissions de gaz à effet de serre n‘est pas sans conséquences, en particulier sur l‘écosystème complexe de leurs habitants. Tous les animaux vivant dans la mer et produisant une coquille (p. ex. l‘étoile de mer, le corail, l‘oursin et le crabe) sont confrontés au même problème : le dioxyde de carbone absorbé par la mer se transforme en acide carbonique au contact de l‘eau, ce qui abaisse le pH de l‘eau et en augmente l‘acidité. Cette acidité peut ensuite attaquer la carapace calcaire protectrice des mollusques. Ceux-ci ne sont ainsi plus en mesure de rendre leurs bons offices de catalyseurs de substances nocives et de nourriture pour d‘autres êtres vivants.¹
Comment la nacre se forme-t-elle ?
Les perles sont constituées de nacre, qui se forme au coeur du mollusque en réaction à l‘introduction d‘un corps étranger ou d‘un parasite. Il est scientifiquement établi aujourd‘hui que les perles ne se forment pas à partir d‘un grain de sable. S‘il en était ainsi, les huîtres se sentiraient en permanence menacées par les énormes quantités de sable les entourant dans leur milieu naturel et la récolte de perles sauvages serait bien plus conséquente. Malgré tout, la science n‘a pas encore pu apporter la démonstration ultime des conditions exactes requises pour la formation de perles. Il a en revanche été prouvé que les huîtres disposent, sous leur coquille, d‘un manteau protecteur qui se déploie autour du mollusque et présente les caractéristiques requises pour fabriquer de la nacre. L‘intrusion d‘un corps étranger à l‘intérieur de l‘huître, déclenche une réaction au sein du tissu mou. Les perles sont donc le résultat d‘une sorte de mécanisme de défense de l‘huître, déclenché pour protéger et stabiliser son intégrité. Après l‘intrusion, le mollusque commence à fabriquer une substance appelée nacre dans le but d‘entourer et d‘isoler l‘« intrus ». La nacre est composée principalement de carbonate de calcium et de liaisons organiques protéiniques qui relient les cristaux de carbonate de calcium entre eux. La nacre contient également une petite part d‘eau, qui lui confère son élasticité. La nacre est donc déposée couche après couche autour de l‘intrus jusqu‘à former une perle.
LA SCIENCE N’A PAS ENCORE PU APPORTER LA DÉMONSTRATION ULTIME DES CONDITIONS EXACTES
REQUISES POUR LA FORMATION DE PERLES.
L‘effet irisé et les reflets produits par la structure unique de la nacre est due à la façon dont les différentes couches de cristaux de carbonate de calcium sont organisées. C‘est l‘origine de la brillance et des reflets de couleur caractéristiques de la nacre. Fait étonnant : incroyablement dure, la nacre ne cède que sous des pressions élevées. Sa résistance est comparable à celle du marbre ou de l‘aluminium.
LA PERLE LA PLUS ANCIENNE À CE JOUR A ÉTÉ DÉCOUVERTE LORS DE FOUILLES SUR L‘ÎLE DE MARAWAH, AU LARGE D‘ABU DHABI, ET DATÉE DE 5 800 À 5 600 AVANT JÉSUS-CHRIST. ELLE CONSTITUE LA PREUVE QUE LES PERLES SONT COMMERCIALISÉES DEPUIS LE NÉOLITHIQUE
Les perles de culture
Les perles de culture, sont la plupart du temps plus petites que les perles sauvages et présentent davantage d‘imperfections. Dans la nature, il peut s‘écouler deux décennies ou plus pour qu‘une huître produise de « vraies perles ». Quand les humains interviennent dans ce processus avec des structures comme de l‘aquaculture, on parle de perles de culture. L‘introduction artificielle d‘un corps étranger combinée au maintien des conditions de vie parfaites permet de ramener le temps de fabrication à deux à six ans. En règle générale, les huîtres sont exploitées sur plusieurs cycles de production successifs, donnant souvent lieu à la culture simultanée de plusieurs perles par huître. À l‘heure actuelle, 99 % des perles mises sur le marché sont de culture.
LES PERLES INVENDABLES SONT RÉDUITES EN POUDRE ET UTILISÉES NOTAMMENT DANS L’INDUSTRIE
COSMÉTIQUE.
Pour la culture en mer, les producteurs recourent à l‘huître perlière du genre Pinctada. Pour réduire les coûts de production dans un contexte industriel, les producteurs ne respectent pas les conditions de vie naturelles des mollusques. Il n‘est pas rare non plus que les employés, pressés par le temps, procèdent à l‘extraction des perles de manière violente en coupant ou en cassant la coquille et violent l‘intégrité corporelle des mollusques à la recherche des trésors qu‘ils ont fabriqués. Habituellement, les huîtres meurent au moment de la récolte. Elles ne survivent à cette intervention que si elle est pratiquée avec le plus grand soin. L‘espérance de vie des huîtres varie d‘une espèce à l‘autre. À l‘état sauvage, les huîtres perlières, par exemple du genre Pinctada, peuvent atteindre une vingtaine d‘années lorsque toutes les conditions sont réunies.
Par ailleurs, la culture n‘est pas une garantie de qualité pour les perles : moins d‘une huître greffée sur trois fabrique réellement une perle et seule une perle sur dix finira par être vendue sur le marché. Les perles invendables en tant que telles sont éliminées directement sur le lieu de culture, réduites en poudre et vendues sous cette forme, notamment à l‘industrie cosmétique. Il est recommandé d‘éviter tous les produits dont la liste des ingrédients indique : poudre de perle, pearl powder, perles micronisées ou pearl extract, et qui ne portent pas de label végane (p. ex. le V-Label). Les huîtres étant tuées tant pour la consommation que pour leur coquille, les articles de bijouterie en nacre ne sont ni véganes ni végétariens.
Alternatives véganes
Les personnes véganes qui apprécient la beauté de la nacre peuvent se tourner vers les perles d‘imitation qui ressemblent beaucoup aux perles naturelles dont la production, bien plus simple et bon marché, ne cause aucun dommage aux animaux. Les perles d‘imitation de meilleure facture sont en verre ou en résine recouvertes d‘une couche de nacre synthétique ou minérale. Les perles de résine durent plus longtemps que les perles synthétiques, par exemple, et sont pour certaines difficiles à distinguer de la nacre naturelle.